jeudi 9 septembre 2010

Bac français 88

'Le lycée Jules Michelet ?' répond le vieil homme à la portière de la voiture. François n'écoute pas la réponse, obsédé par ses notes de lectures, feuillets racornis posés sur ses genoux. 'Quel rapport Boris Vian entretient-il avec Sartre ? Bon sang?? Il tourne et retourne son paquet de fiches, sans trouver la réponse à sa question. En même temps, il préfère rester silencieux plutôt que de révèler aux autres son embarras. Assis sur le siège arrière, personne ne le voit s'agacer. Paul s'agite quant à lui, installé à gauche de sa belle-soeur qui a proposé de les conduire sur les lieux de l'examen. Sans savoir que l'itinéraire réservait quelques surprises.
"Vous y êtes, au prochain croisement, sur la droite. Vous pouvez pas le manquer ?" Au moins rassuré sur ce point, et alors que la voiture repart en trombe, Paul repense à son estomac barbouillé. Pour calmer son appréhension, il s'est resservi généreusement à table. D'habitude, les échalotes revenues sur le steack haché le ravissent. Aujourd'hui, elles lui remontent à la bouche, pendant que les frites semblent grossir. "Tu vas avoir un placard sur l'estomac" a prédit sa mère. Ces lourdeurs lui pèsent moins que son interrogation profonde. Car il y a au bac trois sujets au choix. Leur professeur de français a préparé la classe au commentaire composé, avec des incursions sur le résumé. Paul s'est montré médiocre sur les deux tableaux, et rêve d'un éclat grâce à la dissertation. "Qu'est-ce que je vais choisir, si le texte proposé est facile ?"
Sa belle-soeur remplit le silence, en racontant son oubli de papiers le jour de l'oral du bac. "En tout cas, je reviens vous chercher à 18h00" "Ah, voilà, çà y est... Les Temps modernes. Vian collabore à la revue de Sartre, pendant deux ans. Il s'en éloigne dès 1947, pour ne pas suivre la ligne politique du philosophe" lit tout haut François. Pourquoi tu sors çà maintenant ? demande Paul. "Je ne me souvenais plus du détail" Le moteur tourne au ralenti, la voiture stationne le long du trottoir. D'autres candidats marchent d'un pas pressé et s'apprêtent à franchir le portail. "Est-ce que je peux laisser mes notes ici" demande François à sa conductrice, sans écouter la réponse, il claque la porte. Paul sourit péniblement et envoie un bref "merci-à-tout-à-l'heure" d'un seul souffle. Puis court rattraper son ami qui a traversé la rue à grandes enjambées.
Des arbres, la pelouse verte des pluies du printemps. Tout sourit aux lycéens tremblants qui forment un attroupement au pied de l'escalier de béton. Façade terne. Sur les panneaux, les listes indiquent les noms et la classe. ... et ... ne sont pas dans la même classe. François s'insurge tout fort. Ils" t'ont mis à D; ils ne savent même pas qu'une particule est notée entre parenthèse, que le patronyme sert seul." Paul a d'autres chats à fouetter " çà va, çà va". Il n'aime pas se faire remarquer

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